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Dépakine: Sanofi mis en examen, un tournant après 10 ans de combat

La Voix Du Nord 

Sanofi a-t-il délibérément omis d’informer sur la dangerosité du valproate de sodium pendant la grossesse  ? Cette molécule qu’il commercialise depuis 1967 notamment sous la marque Dépakine, est un anti-épileptique également prescrit pour les troubles bipolaires. Après plus de trois ans de procédure, le laboratoire a finalement été mis en examen.

D’un côté, un médicament désormais interdit de prescription pendant la grossesse, et dont l’Agence du médicament (ANSM) et l’Assurance maladie-Cnam estiment qu’il pourrait être responsable, depuis sa mise sur le marché en 1967, de troubles neuro-développementaux (autistiques, retards mentaux…) chez 16600 à 30400 enfants et de malformations congénitales graves chez 2150 à 4100 enfants qui y ont été exposés dans le ventre de leur mère.

De l’autre, un laboratoire, Sanofi, condamné en 2017 à payer plus de deux millions d’euros à une famille victime et un million d’euros à la CPAM, mais dont la condamnation a été cassée en novembre dernier, et qui refuse jusqu’à présent de contribuer à l’indemnisation de victimes via le dispositif national prévu à cet effet.

C’est donc peu dire que la mise en examen de Sanofi pour «tromperie aggravée» et «blessures involontaires» est « un soulagement » pour Marine Martin et les 7 000 victimes défendues depuis 2011 par son association, l’Apesac (Aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant). « C’est un retournement du dossier, qui jusqu’ici n’avançait pas beaucoup », s’est réjoui Me Charles Joseph-Oudin, avocat de l’Apesac, à l’origine de l’enquête ouverte en septembre 2016 pour la période allant de 1990 à avril 2015.

 

« Il y avait déjà eu l’affaire du Distilbène. On ne pouvait pas, en plus, avoir rendu des enfants autistes pendant cinquante ans »

Mais le combat de cette habitante de Perpignan remonte à 2009 : « A l’âge de parler, mon fils ne parlait pas, à l’âge de marcher, il ne marchait pas… Alors je suis allée sur le site du Centre de référence sur les agents tératogènes (service d’information sur les risques des médicaments pendant la grossesse et l’allaitement, NDLR). Le deuxième médicament le plus dangereux était la Dépakine. J’ai regardé la notice, il n’y avait rien ». La jeune femme peine à y croire : « Il y avait déjà eu l’affaire du Distilbène(1). On ne pouvait pas, en plus, avoir rendu des enfants autistes pendant cinquante ans ». Puis Marine Martin entend parler d’Irène Frachon et de l’affaire du Médiator et se met à y croire. En 2016, une plainte est déposée au pénal suivie d’une action de groupe, la première du genre dans le domaine de la santé, mais Sanofi soutient avoir toujours respecté ses obligations d’information et avoir averti les autorités de santé dès le début des années 1980 sur les risques de malformation, et dès 2003 sur les risques neurodéveloppementaux. « Une position de déni de responsabilité qui est de plus en plus difficilement tenable », selon Me Joseph-Oudin.

124 enfants nés sous Dépakine en 2018

Selon l’Agence européenne des médicaments, lorsqu’une femme enceinte prend ce médicament, son enfant présente un risque élevé – de l’ordre de 10 % – de malformations congénitales, ainsi qu’un risque d’autisme et de retards intellectuels et/ou de la marche, pouvant atteindre jusqu’à 40 % des enfants exposés. Selon Marine Martin, encore en 2018, 124 enfants sont nés sous Dépakine.

1. Médicament prescrit entre les années 1950 et 1977 en France, responsable d’anomalies génitales chez les enfants exposés in utero.

Les quatre enfants d’une famille du Nord victimes de la Dépakine

D’abord, il y a eu Sabrina, née en 2002, qui souffre d’asthme sévère, d’otites à répétition, d’une déformation de la mâchoire, de hernies multiples, d’un retard de langage, de dyslexie, de problèmes de mémoire, d’anxiété… Puis est venu Benjamin en 2004, avec ses troubles anxieux, son déficit auditif, ses problèmes d’attention, de structuration spatiale et de tonus musculaire… En 2007, c’est au tour de Maxime de venir au monde, avec une paralysie du côté gauche dont il a aujourd’hui récupéré, et des troubles du comportement associés à un QI de 76. Quant à Valentin, né en 2014, il ne parle pas et a été diagnostiqué autiste, en plus d’anomalies cérébrales, de problèmes cardiaques et rénaux et de malformations des jambes…

 

« Ce n’était pas possible qu’on ait menti à ce point à autant de monde »

 C’est après la naissance du dernier que le couple Hardt a compris, en tombant sur un prospectus de l’Apesac lors d’une visite chez l’orthophoniste. « Je me suis dit «Mince, ça correspond à nos quatre enfants », se souvient la maman. « Jusque-là, on pensait que c’était la normalité, on avait aménagé la maison pour qu’ils soient plus autonomes ». D’ailleurs, même après cette découverte, Florence Hardt a d’abord émis des doutes : « Pour moi, ce n’était pas possible qu’on ait menti à ce point à autant de monde ». Puis les Hardt rencontrent d’autres familles de la région dans ce cas (248 familles du Nord et 133 du Pas-de-Calais se sont déclarées à l’Apesac sur 7 000 en France). Et l’évidence s’impose : « Leurs enfants avaient les mêmes traits que les nôtres, la lèvre supérieure fine, les oreilles assez basses… » 

 Dès lors, ils lancent une procédure au civil, constituent un dossier auprès de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam). Ils attendent toujours. Alors, cette mise en examen, c’est pour eux l’espoir « qu’au moins une personne chez Sanofi reconnaisse enfin son erreur ».

Source . La voix du nord 

 

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