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Pyrénées-Atlantiques : Des enfants contaminés à la Dépakine sans même que leurs mères n’aient pris le traitement ?

20 Minutes

Une dizaine de familles proches de l’usine de Sanofi, qui fabrique la Dépakine à Mourenx dans les Pyrénées-Atlantiques, ont contacté l’association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant

  • La Dépakine, ce médicament antiépileptique qui peut causer des troubles chez l’enfant à naître s’il est pris pendant la grossesse, est suspectée de causer des dommages également quand il est présent dans l’air ou dans l’eau.
  • La mère de deux enfants nés en 2014 et 2016, qui travaillait en face de l’usine Sanofi, qui fabrique la Dépakine, a porté plainte le 15 novembre dernier en constatant chez ses enfants des symptômes proches de ceux des victimes de la Dépakine.
  • L’association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac) demande une étude épidémiologique et la participation de Sanofi à l’indemnisation des victimes.

Ce serait un scandale dans le scandale. Des enfants peuvent-ils être malades de la Dépakine sans même que leur mère n’ait absorbé l’antiépileptique au cours d’un traitement pris pendant la grossesse ? La mère de deux enfants nés en 2014 et 2016, qui travaillait en face de l’usine Sanofi qui fabrique le valproate de sodium, principe actif de la Dépakine, à Mourenx (Pyrénées-Atlantiques) lorsqu’elle était enceinte, le craint.

Ses enfants présentent des troubles proches de ceux des « enfants Dépakine » et elle a porté plainte le 15 novembre pour blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de trois mois, mise en danger de la vie d’autrui et non signalement d’effet indésirable. La plaignante ne prenait pas de Dépakine elle-même mais la dépakinémie (mesure de la Dépakine dans le sang) qu’elle a réalisée à l’époque, en août 2018, s’est révélée positive.

Des rejets toxiques dans l’air et l’eau ?

Le 9 juillet 2018, Sanofi a été contraint de mettre à l’arrêt son usine de Mourenx après le constat de rejets polluants dans des quantités importantes. « La route était recouverte de poudre de Dépakine », se souvient Marine Martin, présidente de l’association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac), qui a déposé plainte dans cette affaire avec France Nature Environnement (FNE). Le seuil de Bromopropane, reconnu cancérogène, mutagène et reprotoxique possible par l’OMS, et qui entre dans la composition du valproate de sodium, dépassait jusqu’à 190.000 fois le seuil autorisé.

« L’ensemble des études effectuées concernant l’évaluation du risque sanitaire et partagé avec les autorités, n’a pas identifié de risque particulier qu’il s’agisse des rejets actuels ou des rejets passés », assure à 20 Minutes le service communication du groupe pharmaceutique Sanofi. Après cette alerte de 2018, Sanofi met en avant « des mesures réelles à proximité de l’atelier de production ainsi que dans l’environnement (chez les riverains, dans les eaux souterraines, sur les fruits et légumes, dans l’air ambiant sur site et hors site…) ». Et le groupe assure qu’« aucune des centaines de mesures réalisées n’a remis en cause les conclusions des études de risque sanitaire. »

Le hic c’est que l’association rappelle que l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) n’a pas instauré de seuil minimum pour la Dépakine (pour le bromopropane mais pas pour la Dépakine). « Pour les femmes enceintes, il n’existe pas de seuil minimum mais plus le seuil est élevé plus le risque est important chez l’enfant à naître, indique Marine Martin. Donc pour moi, il n’y a pas non plus de seuil minimum pour les femmes contaminées par l’air ou l’eau. » Le Gave est la rivière qui coule à Mourenx et, l’association s’interroge sur une possible contamination par les rejets de l’usine de ce milieu.

Un lien de causalité à démontrer

« Récemment, on a été contacté par une dizaine de familles dont les enfants présentent des troubles similaires à ceux exposés à la Dépakine pendant la grossesse, quand la maman a pris ce médicament », indique Marine Martin. On parle de troubles neurocomportementaux : il peut s’agir de troubles du spectre autistique, du langage, de dyspraxie ou de non descente des testicules, chez les garçons. Le chemin est encore long pour ces familles, qui rassemblent des comptes rendus médicaux qui attestent des troubles. « Je pense que c’est le nombre d’enfants qui vont présenter ces symptômes typiques qui va permettre d’établir un lien de causalité », avance la présidente de l’Apesac. Ces familles ne peuvent pas faire une dépakinémie car le médicament reste dans le sang seulement trois mois après l’exposition.

C’est un « faisceau de troubles neuronaux », qui guide le diagnostic différentiel. S’il est important « il y a alors trop de malchance pour que ce soit honnête et l’imputabilité est due au médicament », pointe Marine Martin. Les critères de diagnostic des « enfants Dépakine » ont été listés par des scientifiques dans un document qui définit sur 70 pages le protocole national de diagnostic et de soins. « Ces documents officiels sont susceptibles d’évoluer », ajoute-t-elle.

Une enquête épidémiologique ?

Depuis 2018, des travaux de mise en conformité de l’atomiseur qui réduit la Dépakine en poudre  ont été effectués et les rejets sont censés être maîtrisés à Mourenx. Toutefois, l’Apesac ne veut pas croire sur parole le géant pharmaceutique. Elle demande des prélèvements indépendants pour vérifier qu’il n’y a plus de rejets problématiques sur le site et une enquête épidémiologique.

Le 28 septembre, Santé Publique France a lancé une étude participative sur tout le bassin du Lacq. Mais l’agence nationale de santé publique reconnaît elle-même qu’elle ne permettra pas d’avancer sur le dossier spécifique des rejets de l’usine Sanofi à Mourenx. « Des pathologies telles l’asthme, le diabète, les cancers ou encore les troubles infantiles du neurodeveloppement peuvent être rapportées par les personnes enquêtées, précise l’agence à 20 Minutes. Mais cette étude ne vise pas à répondre à la question spécifique de l’impact sanitaire lié aux rejets d’une installation industrielle en particulier et ne permettra pas l’analyse de résultats à l’échelle d’une commune. »

Pour l’Apesac, il faudrait récolter des données auprès de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) pour voir si, dans un secteur proche de l’usine, il y a davantage de diagnostics d’autisme, plus de rééducation en orthophonie, de non descente des testicules, de craniosthénose, ou de malformations cardiaque typiques du syndrome de l’anti-convulsivant que dans la population générale.

L’association estime que Sanofi doit prendre ses responsabilités, et notamment dans l’indemnisation des familles. « Servier a dû mettre la main à la poche dans l’affaire du Mediator », glisse sa présidente. Pour l’instant, l’office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam) n’a été abondé, à hauteur de 60 millions d’euros, que par des fonds publics pour la centaine de victimes directes déjà indemnisées. L’association évalue à ce jour à plus de 8.000 le nombre de victimes de la Dépakine.

Source Elsa Provenzano

 

 

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