Dans la presse en 2022

Grève à Sanofi. Les travailleurs face à un géant de la pollution

Révolution Permanente

Des grèves ont éclaté depuis plusieurs semaines contre le géant pharmaceutique Sanofi. Avec les scandales sanitaires et environnementaux causés par l’entreprise, mettant en danger patients, riverains et travailleurs, cette grève revêt également une dimension écologiste.

 

Depuis le 14 novembre, les salariés de Sanofi sont en grève. Des mobilisations ont lieu sur plusieurs sites, pour des revalorisations salariales. Cette grève pose la question des profits monstres empochés par l’entreprise pharmaceutique sur le dos des patients et des travailleurs, et in fine la nécessité de « sortir les médicaments de la logique de marché », comme l’expliquait récemment une gréviste auprès de RP. Une mesure pour assurer à tous des traitements adaptés et accessibles, mais également une nécessité sur le plan environnemental, alors que Sanofi s’est illustré par plusieurs scandales sanitaires et environnementaux ces dernières années.

La Dépakine : un scandale sanitaire

Il est aujourd’hui bien démontré que la Dépakine, un anti-épileptique, provoque des troubles neurologiques graves chez les enfants lorsqu’il est prescrit pour les mères enceintes. Comme le rapporte Le Monde, « Lorsqu’une femme enceinte prend ce médicament, son enfant présente un risque élevé – de l’ordre de 10 % – de malformations congénitales, ainsi qu’un risque accru d’autisme et de retards intellectuels et/ou de la marche, pouvant atteindre jusqu’à 40 % des enfants exposés. » « La Dépakine et ses dérivés ont provoqué depuis 1967 des malformations congénitales graves chez 2 150 à 4 100 enfants, selon une évaluation de l’ANSM et de l’Assurance maladie. L’épidémiologiste Catherine Hill avance le chiffre de 14 000 victimes, en prenant en compte les enfants souffrant de retards de développement.  ». Une association de familles de victimes de la substance, l’APESAC comptabilise quant à elle 198 décès.

Les premières études qui font état de la dangerosité du produit sur les foetus datent du début des années 1980, mais ce n’est qu’en 2015 qu’une enquête préliminaire est lancée. Comme le montre le collectif des salariés en lutte, entre 1986 et 2015 les mises à jour des notices tardent à souligner les risques de malformations en cas de prise de Dépakine pendant la grossesse.

Et dans cette affaire, présentée devant la justice en septembre 2016, la défaillance institutionnelle de l’Etat et de l’Agence du médicament montre la complicité des institutions et du privé. Alors que l’entreprise a engrangé plus de 7 milliards de bénéfices en 2020, Sanofi cherche à faire porter à la collectivité le poids de ses propres crapuleries. Et les organes publics se prêtent au jeu, puisque, en 2016, l’Oniam (Office national des accidents médicaux) a créé un fond spécial d’indemnisation pour les victimes de la Dépakine, comme l’explique Médiapart. Une logique cynique de privatisation des profits réalisés au détriment de la santé et parfois de la vie des patients, et de socialisation du « coût » des impacts.

Mais aussi un scandale environnemental

Et comme si ce scandale sanitaire ne suffisait pas, un autre s’y ajoute : un scandale environnemental, lié là encore à la fabrication de la Dépakine. En 2018, le site de production de Mourenx a ainsi été dénoncé pour ses émissions de produits polluants, à des niveaux astronomiques.

Les chiffres rapportés dans un article de Libération donnent le vertige : les émissions de solvants chimiques dans l’atmosphère sont 7000 fois plus élevées que les normes et, pour certains composés qui entrent dans la fabrication de la Dépakine, c’est même 190 000 fois supérieur à la limite. Avec les risques sanitaires induits sur les salariés et les populations environnantes, qui se sont organisés en collectif de riverains

En 2007, une autre usine de Sanofi à Vitry-Sur-Seine était épinglée pour ses rejets polluants dépassant allègrement les normes. Des rejets de polluants divers étaient régulièrement relevés non seulement dans la Seine, les réseaux d’assainissements publics, mais aussi dans l’atmosphère. Toluène, benzène, méthanol, c’est tout un cocktail toxique qui est dégagé par l’usine, dont des produits cancérogènes, mutagènes et toxiques … et ce alors que l’usine est accréditée selon « une norme censée garantir une gestion environnementale exemplaire », comme le rapporte Le Monde.

Des rejets qui empoisonnent l’environnement immédiat des usines, et la qualité de l’air et de l’eau. Ils menacent également la santé des riverains et en premier lieu, celle des travailleurs. Ainsi, en 2007, un pic de benzène 175 fois supérieur à la norme avait été relevé sur un poste de travail de l’usine de Vitry-Sur-Seine. A Mourenx, la CGT avait accusé l’entreprise d’avoir mis en danger les salariés tout en dénonçant la complicité de l’Etat, et avait porté plainte contre X pour mise en danger de la vie d’autrui. Le secrétaire fédéral de la FNIC expliquait ainsi : « Quand on parle d’industrie il y a un laxisme inacceptable. La sécurité des travailleurs et des riverains n’est qu’un paramètre pour l’industrie du médicament. » Une logique d’économies au détriment de la santé qui était déjà dénoncée à Vitry-Sur-Seine par les syndicats : face aux injonctions de mise aux normes, « La direction considère que ces normes sont inatteignables dans les délais impartis et qu’elle n’a pas les moyens financiers pour mettre toutes les installations en conformité », expliquaient-ils au Monde.

Face à ces logiques de mise en danger des riverains, des travailleurs et de l’environnement pour préserver les profits, il est nécessaire de se battre pour « sortir les médicaments de la logique de marché ». Un combat qui ne peut se faire qu’en plaçant en son centre les travailleurs, premiers impactés par ces pollutions et capables par leur lutte de les stopper et de réorganiser la production au bénéfice de tous. Un premier pas dans ce sens consiste à soutenir les grévistes dans leur combat contre le géant pharmaceutique, en se rendant sur leurs piquets et en donnant à leur caisse de grève, par exemple celle des grévistes du site de Montpellier.

Source: Christa Wolfe et Seb Nanzhel