Dans la presse en 2019

Fiche de pratique clinique : Acide valproïque et risque tératogène : Un travail de la HAS qui n'est pas à la hauteur des enjeux

La revue Prescrire

INUTILE. En 2018, la Haute autorité de santé (HAS) a publié deux fiches "mémo" sur le bon usage des spécialités à base d’acide valproïque et ses dérivés pour réduire le risque d’exposition des grossesses à cette substance chez les femmes souffrant d’épilepsie ou de troubles bipolaires. Les recommandations formulées dans ces fiches sont louables mais insuffisamment argumentées, notamment par manque d’une recherche documentaire explicite, spécifique et approfondie. Ces deux fiches ne sont pas à la hauteur des enjeux liés aux dégâts que certains médicaments causent pendant la grossesse. Ces fiches de pratique clinique sont peu fiables pour aider les soignants.

 

Objectifs affichés des fiches de pratique clinique :  « mettre à disposition des professionnels de santé des recommandations afin de contribuer au bon usage des spécialités à base d’acide valproïque et ses dérivés pour aider les professionnels de santé à prendre en charge des patientes enceintes, ou susceptibles de l’être, souffrant d’un trouble bipolaire ou d’une épilepsie » (Rp4). Nous avons passé ces fiches "au crible" selon notre méthode habituelle.

 

Méthode d’élaboration minimaliste. En 2015, la HAS a publié une fiche de pratique clinique sur les alternatives à l’acide valproïque chez les filles, adolescentes, femmes en âge de procréer et femmes enceintes ayant un trouble bipolaire ou une épilepsie (1). En 2018, la HAS a publié une actualisation de ce document sous la forme de deux fiches de pratique clinique : une pour les femmes atteintes d’épilepsie ; l’autre pour celles atteintes de troubles bipolaires. Comme en 2015, la recherche documentaire n’est pas décrite. Le rapport d’élaboration de 2018 a pris en compte les données apportées par l’Agence française du médicament (ANSM) en juillet 2018 (Rp.38). Les données du Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT) prises en compte en 2018 datent de 2014 et 2015 (Rp.48). L’avis d’associations de patientes a été sollicité mais il n’est pas précisé dans quelle mesure il a été pris en compte (Rp.38-42).

 

Manque d’informations et imprécisions. Dans les deux fiches les différentes situations sont abordées : femmes en âge de procréer, femme envisageant une grossesse et découverte d’une grossesse chez une femme traitée par acide valproïque. Un programme de prévention des risques chez les femmes en âge de procréer est présenté dans ces fiches sans argumentation dans le rapport d’élaboration et certains items de ce programme manquent de précision, par exemple : réaliser un test de grossesse « en tant que de besoin » ou bien « les femmes en âge de procréer doivent utiliser une contraception efficace », (Fiche épilepsie p.2, Fiche troubles bipolaires p.2. 2p.11-12)

Dans la situation épilepsie, les données sur le risque global de malformations avec les antiépileptiques et sur le risque de troubles neuro-comportementaux ne sont pas argumentées dans le rapport, et les niveaux de preuves ne sont pas précisés (Fiche épilepsie p.4-5). Certains risques semblent minimisés. Par exemple pour l’épilepsie, il est précisé qu’avec la lamotrigine, le lévétiracetam, ou l’oxcarbamazépine, la « fréquence globale des malformations ne semble pas augmentée ». Or une augmentation du risque de fente labiopalatine a été décrite chez des nourrissons exposés à la lamotrigine au cours de la grossesse (Fiche épilepsie p.4).

Pour les femmes épileptiques désirant une grossesse, la possibilité d’arrêter progressivement le traitement antiépileptique n’est pas évoqué. Pour celles souffrant de troubles bipolaires, certains médicaments sont proposés sans certitude de l’absence de risque tératogène pour l’enfant à naître, comme par exemple avec l’aripiprazole (tératogène chez l’animal) (Fiche troubles bipolaires p.1,).

Les interactions médicamenteuses de certains antiépileptiques avec la contraception estroprogestative ne sont pas clairement signalées.

 

En pratique. Avec ces deux fiches "mémo", la HAS vise un objectif louable : pas de grossesse exposée à l’acide valproïque. Mais l’absence de mise à jour des données autres que celles fournies par l’ANSM, et le manque d’informations et de précisions des recommandations, notamment sur la prévention des risques liés à la grossesse ou à certains médicaments, font que l’objectif est raté. Ces fiches ne sont pas des documents solides pour les soignants.

1- Prescrire rédaction "alternative à l’acide valproïque chez les femmes enceintes : un document confus et dangereux" Rev Prescrire 2016 ; 36 (393) : 547.

Filles, adolescentes, femmes en âge de procréer et femmes enceintes ayant une épilepsie : spécialités à base de valproate et alternatives médicamenteuses

Femmes en âge de procéer ayant un trouble bipolaire : spécialités à base de valproate et alternatives médicamenteuses

Fiches Memo de la Haute autorité de santé (HAS), disponible sur le site de la HAS : www.has-sante.fr

Validation par le Collège de la HAS en 2018.

Rapport d'élaboration + 2 Fiches mémo (5 pages).

Informations vérifiées pour la dernière fois le XXXX2019

© Prescrire