Dans la presse en 2019

Épilepsie: la Dépakine n’est pas le seul médicament à risque pour le fœtus

Le Figaro 

L’Agence du médicament appelle à la vigilance à l’égard de certains médicaments antiépileptiques en raison d’un risque de malformations chez les enfants qui y ont été exposés pendant la grossesse.

Le fait était déjà connu pour les médicaments à base de valproate, comme la Dépakine. Désormais, on sait que d’autres médicaments antiépileptiques peuvent aussi être à l’origine de malformations chez les enfants qui y ont été exposés dans le ventre de leur mère. C’est ce qu’a indiqué l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans un rapport publié le 25 avril visant à faire le point sur les risques de 21 antiépileptiques. Une information d’importance, puisqu’environ 100.000 femmes en âge de procréer sont atteintes d’épilepsie en France.

Le valproate, médicament le plus à risque

Premier enseignement: l’analyse confirme que le valproate et ses dérivés - molécule mise sur le marché dans les années 1960 - sont bien les plus à risque. «Il multiplie par quatre à cinq le risque de malformations chez les enfants de femmes qui en prennent», indique le Dr Philippe Vella, directeur des médicaments neurologiques à l’ANSM. Selon une estimation de l’ANSM et l’Assurance maladie faite en 2018, jusqu’à 30.000 enfants pourraient avoir développé des troubles du développement à cause de ces médicaments ces 50 dernières années en France. Et entre 2000 et 4000 enfants auraient été victimes de malformations. «Le risque de malformations est connu depuis le début des années 1980 et les effets neuro-développementaux depuis les années 2000», précise le médecin.

Ce n’est qu’en 2014 que les premières mesures pour renforcer les conditions de prescription et informer les médecins et les patientes des risques ont été prises. «La France a été parmi les premiers pays à réagir», se défend le Dr Vella. «Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il y a des cas d’épilepsie où il n’est pas possible de se passer de valproate. Pour certaines personnes, il n’existe pas d’alternatives efficaces». Ce n’est que depuis l’été 2018 que le valproate et ses dérivés sont contre-indiqués pendant la grossesse, sauf en cas d’inefficacité ou d’intolérance aux autres traitements. Un an plus tôt, en juillet 2017, ces médicaments avaient été interdits aux femmes enceintes atteintes de troubles bipolaires, maladie contre laquelle ils peuvent également être prescrits.

» LIRE AUSSI - Dépakine: 4 à 5 fois plus de cas de troubles neuro-développementaux chez les enfants

Haute vigilance sur 6 autres médicaments

Le valproate n’est pas le seul anti-épileptique tératogène. Selon le rapport, cinq autres médicaments «présentent à ce jour un risque de malformation élevé par rapport à la fréquence observée dans la population générale», qui est de 2 à 3%. Il s’agit du topiramate, du phénobarbital, de la primidone, de la carbamazépine et de la phénytoïne. En revanche, on ne sait pas encore avec certitude si ces médicaments peuvent entraîner des troubles neuro-développementaux au regard des données disponibles.

Le topiramate (Epitomax et génériques) préoccupe particulièrement les autorités sanitaires. Ce médicament, prescrit à environ 30.000 femmes en âge d’avoir des enfants selon les chiffres de 2015, est de plus en plus utilisé, notamment à mauvais escient (à des fins amaigrissantes et pour traiter le trouble bipolaire). Or il multiplie par trois le risque de malformations. Les enfants dont les mères ont pris ce médicament pendant leur grossesse ont notamment un risque accru de naître avec une malformation de la bouche de type bec-de-lièvre et d’hypospadias (malformation de l’urètre). L’Agence du médicament a également identifié l’existence d’un risque potentiel de troubles neuro-développementaux.

L’Agence du médicament alerte également sur l’utilisation de la prégabaline (Lyrica et ses génériques), en raison du risque potentiel de malformations et de sa prescription importante en France. «Nous appelons à la vigilance parce que nous savons qu’il y a un risque potentiel mais nous ne sommes pas en mesure de le quantifier à ce stade», précise Philippe Vella. En 2016, près de 150.000 femmes prenaient ce médicament. Mais toutes ne souffraient pas d’épilepsie, loin de là. «Il est surtout utilisé contre les douleurs neuropathiques et les troubles anxieux généralisés, voire dans des indications qui ne sont pas autorisées», rapporte le médecin.

Pour l’heure, seuls trois antiépileptiques ne semblent pas avoir d’effets tératogènes: la lamotrigine, le lévétiracétam et l’oxcarbazépine. «Les données actuellement disponibles ne montrent pas d’augmentation de la fréquence des malformations», détaille le rapport, n’exclue pas pour autant ce risque de façon définitive.

» LIRE AUSSI - Indemnisation des victimes de la Dépakine: les leçons tirées du Mediator

Que faire?

L’ANSM conseille aux femmes traitées par un antiépileptique de consulter sans délai leur médecin en cas de grossesse pour savoir s’il faut modifier le traitement. Enceinte ou non, l’Agence du médicament rappelle qu’il ne faut pas arrêter ou modifier son traitement sans l’avis de son médecin. Et dans tous les cas, le traitement doit être réévalué régulièrement par un professionnel de santé, même sans projet de grossesse.

Par ailleurs, elle a mis en place, en lien avec l’APESAC (Association des parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant) et le Réseau des centres régionaux de pharmacovigilance, un formulaire pour mieux signaler les cas d’exposition d’enfants à des antiépileptiques au cours de la grossesse (signalement-sante.gouv.fr).

Pour plus d’informations, le rapport est disponible ici.

La rédaction vous conseille

La Dépakine prescrite à 10.000 femmes enceintes de 2007 à 2014 

Marie, enfant valproate craint pour sa descendance 

Dépakine: parution du décret d’indemnisation des victimes 

Source : Le Figaro