Dans la presse en 2019

Victimes de la Dépakine : l'Office d'indemnisation des accidents médicaux va se retourner contre Sanofi

Liberation 

Après la décision de Sanofi de dégager toute sa responsabilité dans les effets de la Depakine, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), par la voix de sa présidente, annonce qu'il va se tourner vers la justice.

  •   Victimes de la Dépakine : l'Office d'indemnisation des accidents médicaux va se retourner contre Sanofi

Ni responsable, ni coupable. Sanofi a annoncé, mercredi, qu’il refusait de contribuer à l’indemnisation des victimes de son produit antiépileptique, la Dépakine, via le dispositif national prévu à cet effet. «Sanofi ne peut donner suite aux premiers avis d’indemnisation envoyés par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam)», indique un communiqué du géant pharmaceutique français. Car ces avis font peser «principalement sur le laboratoire la charge de l’indemnisation, sans prendre en compte les preuves établissant que Sanofi a informé les autorités en toute transparence» sur les risques de la Dépakine.Pris pendant la grossesse, ce médicament s’est révélé extrêmement dangereux. La Dépakine (ou Dépakote, tous les deux à base de valproate de sodium) est responsable, depuis 1967, de malformations physiques chez 2 150 à 4 100 enfants, et de troubles neuro-développementaux chez 16 600 à 30 400 enfants, selon des estimations de l’assurance maladie et de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, avait déclaré à plusieurs reprises que l’Etat allait solliciter Sanofi pour contribuer à indemniser les victimes de la Dépakine.Claire Compagnon, qui préside l’Oniam, et de ce fait s’occupe de tout le processus d’indemnisation, nous annonce que l’organisme va saisir la justice.

Êtes-vous choquée ou surprise de l’annonce de Sanofi qui se dégage de toute responsabilité et donc de toute indemnisation ?

Au regard de la non-collaboration de Sanofi, notamment dans la construction du dispositif d’indemnisation pour la Dépakine, mais aussi dans le choix des experts, nous ne sommes pas surpris. Sanofi se montre absent. Et il a toujours eu la même position au regard de sa responsabilité.

Rien de nouveau ?

Le fait nouveau est que le comité d’indemnisation a rendu ces derniers jours ses premiers avis sur les dossiers d’indemnisation, mettant en cause à 30 % l’Etat et à 70 % l’industriel. Car, je le rappelle, la démarche est la suivante : d’abord il y a un collège d’experts qui regarde l’imputabilité dans le dossier présenté par des victimes entre la prise du médicament et les troubles apparus. Après, le comité d’indemnisation fixe les responsabilités et le montant à verser. L’avis est ensuite transmis aux parties. Là, les arguments de Sanofi ne sont pas justes ; non seulement l’industriel remet en cause l’indépendance des experts (dont des magistrats), mais il affirme que l’Etat n’est pas mis en cause, ce qui est faux puisque sa responsabilité a été calculée à 30 %.

Qu’allez vous faire ?

Nous prenons acte de la position de Sanofi. La loi nous permet d’aller vers les juridictions, ce que nous allons faire. Sachant qu’il y a déjà eu un arrêt de la cour d’appel d’Orléans établissant la responsabilité de Sanofi, pour un enfant, et fixant une indemnisation à plus de 2 millions d’euros. En tout état de cause, en attendant nous indemniserons les familles.

Combien avez-vous reçu de demandes d’indemnisation ?

Nous avons environ 1 250 dossiers, dont 375 victimes sont des victimes directes et 875 victimes indirectes. Et, formellement, le comité d’indemnisation a émis à ce jour environ 10 avis définitifs qui retiennent donc la responsabilité du laboratoire et de l’Etat.

C’est bien peu par rapport aux milliers de personnes touchées. Comment l’expliquez-vous ?

Il y a un certain nombre de situations très anciennes, dans lesquelles les personnes méconnaissent la possibilité d’être indemnisées. De plus, bien souvent, ce sont des situations de grande fragilité humaine – la mère est malade, les enfants ensuite. Il y a un vrai problème de facilitation de l’accès aux droits, en l’occurrence celui d’être indemnisé. L’assurance maladie pourrait d’ailleurs jouer un rôle plus actif puisqu’elle sait qui a pris ou pas ce médicament. C’est en tout cas une vraie question.

Pour indemniser, avez-vous assez d’argent ?

Oui, un budget a été voté en 2017 et 2018, et nous avons ce qu’il faut.

Dans le dossier du Mediator, beaucoup se sont plaints de la lenteur du processus d’indemnisation. Est-ce la même chose pour la Dépakine ?

D’abord, je rappelle que le laboratoire Servier, lui, n’a jamais mis en cause le fonds d’indemnisation. Ensuite, c’est exact, le processus d’indemnisation qui a été conçu par le législateur est complexe, avec ses deux étapes, d’abord l’imputabilité puis la question de la responsabilité, ce qui fait que les délais se surajoutent.Reste que le ministère de la Santé a mis en place un comité d’évaluation pour voir si l’on peut simplifier tout ce processus, mais cela nécessitera, en tout état de cause, de repasser par la loi.Source: Libération