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Dans la presse en 2017

Scandale de la Dépakine : Des familles concernées en Corse

Elles se battent pour alerter la population sur les dangers de cet antiépileptique dont la prise est à l'origine de plus de 12 000 malformations et troubles cognitifs à la naissance depuis sa mise en circulation. Elles, ce sont ces mamans qui, enceintes, ont continué le traitement. Ces dernières années, le dossier Dépakine a fait couler beaucoup d’encre. Pourtant, des familles concernées restent encore dans l’ignorance. C’est le cas en Corse, où seules neuf d’entre elles ont pris contact auprès de l’Apesac, l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant.

 

C’est devenu un scandale sanitaire de premier plan. Sandrine, 45 ans est maman de Chloé,12 ans. Elles vivent en Haute-Corse où la jeune femme a suivi sa grossesse “sereinement”. Lorsqu’elle tombe enceinte, elle est sous traitement depuis trois ans. 
Son neurologue la prévient “La Dépakine n’est pas anodine, il faudra surveiller”. Des contrôles réguliers et une amniocentèse qui ne révèlent rien d’alarmant, Chloé naît neuf mois plus tard mais rapidement, l’enfant présente des troubles préoccupants. 
A deux ans, Chloé ne marchait pas, elle ne parlait pas”. Une visite chez le pédopsychiatre confirme un retard global de développement “Aujourd’hui, elle a de grandes difficultés d’attention, de repérage dans le temps et l’espace. Faire une phrase est compliqué, elle a trois ans de retard mental et souffre de difficultés relationnelles. On a mis du temps à poser un diagnostic”. Mais une fois les pathologies courantes et les raisons génétiques écartées, le lien est fait : Chloé a été exposée, dans le ventre de sa mère, au valproate de sodium, la molécule active du traitement contre l’épilepsie que les scientifiques tiennent pour responsable de multiples malformations mais dont les nombreuses alertes n’ont pas été écoutées “L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) reconnaît aujourd’hui l’inertie des pouvoirs publics et de Sanofi” explique Marine Martin, présidente de l’Apesac “Comme Chloé, plus de 30 000 enfants ont été exposés depuis les années 80”. 

 

Car la fondatrice de l’association connaît bien le sujet. Maman d’un petit garçon né en 2002, Marine Martin fait le lien entre la Dépakine et les troubles du langage de son fils en lisant un article sur internet “J’ai reconnu les symptômes de mon fils dans le descriptif du médicament alors qu’aucun médecin ne m’avait alerté sur les risques encourus”. Elle décide alors de lever le voile sur les zones d’ombre des pratiques d’une industrie opaque au grand public et d’en faire le combat de sa vie. Dans un livre à paraître en avril prochain*, elle dénonce l’omerta pharmaceutique quant à l’utilisation non contrôlée de la Dépakine. Un acharnement qui porte ses fruits puisqu’en 2013, Marine a fini par obtenir la réévaluation du rapport bénéfice/risque du médicament au niveau européen : la nocivité du médicament lors d’une grossesse est désormais connue. 

 

La famille de Christelle, qui habite dans la région de Porto-Vecchio, a décidé elle aussi d’attaquer le laboratoire “Sanofi doit prendre ses responsabilités pour ce qu’il a fait aux enfants”. Sous Dépakine depuis l’âge de 16 ans, la jeune femme corse a appris que les troubles de son fils étaient dûs au traitement des années après son accouchement “Je m’en suis voulue d’avoir pris ces cachets”. Aujourd’hui, son petit garçon souffre de dyspraxie, un trouble de la planification des gestes qui entraîne des maladresses et des difficultés d'apprentissage “Prise en charge plus tôt, j’aurais pu changer de traitement. On m’a longtemps incriminée alors que les médecins étaient au courant de ces risques dès 2006”.  


Le 13 décembre dernier, l’APESAC a lancé une action de groupe contre Sanofi en plus des plaintes individuelles au civil et au pénal. Des centaines de familles ont déposé un dossier auprès d’un fonds d’indemnisation voté à l’Assemblée nationale en novembre dernier et qui sera mis en place au printemps prochain. Aujourd’hui, bon nombre de spécialistes rappellent que les effets néfastes sur les enfants sont encore mal définis mais que “L’efficacité de la Dépakine dans le traitement de l’épilepsie ne fait elle, aucun doute” souligne le Dr Georges Retali, Neurologue à l’Hôpital de Bastia.

 

Cela n’empêchera pas toutes ces femmes d’aller jusqu’au bout. Opiniâtre, Christelle ne lâchera rien  “Ils ont ouvert la boîte de pandore, ils doivent maintenant reconnaître le mal qui a été fait. J’espère que d’autres personnes pourront faire le rapprochement grâce à nos témoignages”. 

 

*”DEPAKINE, LE SCANDALE, Je ne pouvais plus me taire” de Marine Martin (Editions Robert Laffont). 


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