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Dans la presse en 2017

Santé : "Le scandale de la Dépakine n’a pas éclaté par hasard"

Marine Martin : "Je reste très vigilante." - CHRISTINE PALASZ

La Catalane Marine Martin publie le récit d'une affaire sanitaire qui touche 14 000 victimes.

"Je ne pouvais pas me taire" : d'une phrase, Marine Martin, la mère de famille de Pollestres (Pyrénées-Orientales) qui a révélé le scandale de la Dépakine, un antiépileptique accusé d'entraîner un handicap chez les enfants lorsqu'il est pris pendant la grossesse, donne le ton de son combat contre le médicament dans le livre Dépakine, le scandale, chez Robert Laffont (*).

 ► Pourquoi écrire un livre alors que votre combat est désormais reconnu ?

J'avais une frustration par rapport à une histoire qui a commencé avant 2015, date des premières communications de l'Agence de santé. En amont, il y a eu un travail gigantesque. On a parlé du "scandale de la Dépakine" comme s'il avait éclaté par hasard. Et j'entendais Marisol Touraine, la ministre de la Santé, dire "Je me suis saisie du dossier", "la France a été réactive", "on est à l'écoute"... J'ai frappé à la porte pendant un long moment et on ne m'a pas entendue. Il fallait remettre les choses à leur place. Et peut-être qu'en lisant ce bouquin, d'autres citoyens se diront qu'on peut gagner contre un laboratoire pharmaceutique.
► Qu'est-ce qui fait que vous avez été entendue, vous, une simple "citoyenne" ?
Je me suis bien entourée, j'ai bénéficié de l'expérience d'autres scandales. En 2008, une famille avait porté plainte mais s'était fait laminer. Je n'ai pas pris un avocat de Perpignan (Charles Oudin, l'avocat du Médiator, NDLR), j'ai pris garde à ne pas focaliser l'attention sur moi, j'ai évité les dissensions, les jalousies du monde associatif... et j'ai appris que sans la presse, on ne peut pas faire grand-chose. Les politiques ne sont touchés que si les victimes sont montrées à la télévision.
► Où en est-on dans la prise en charge des victimes ?
Le fonds d'indemnisation doit être mis en place le 1er juillet, l'État a fait une provision de 10 M€. En décembre, on a été la première association de victimes (l'Apesac, aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anticonvulsivant, NDLR) à déposer plainte pour défaut d'information dans le cadre d'une action de groupe, contre Sanofi, le laboratoire qui commercialise la Dépakine.
Parallèlement, des actions individuelles ont été engagées. Je motive aussi mes homologues belges, suisses pour porter plainte, j'ai des contacts avec des avocats en Espagne... Peut-être que moi, je perdrai, mais quelqu'un d'autre gagnera. Il y a encore des médecins qui prescrivent, sans les mettre en garde, de la Dépakine à des femmes enceintes. Mais depuis le 1er mars, les boîtes de médicaments comportent un message de prudence. Il a fallu se battre pied à pied. Le lobby pharmaceutique est très puissant. On estime qu'il y a au moins 14 000 victimes. Ce n'est pas fini. Je reste très vigilante.
► Comment vont vos enfants aujourd'hui ?
Nathan est en 3e, on envisage le lycée, ce que je n'aurais imaginé avant. Salomé est en terminale. Ils continuent leur chemin, je pense qu'ils sont malgré tout heureux.

08 04 2017 midiLibre2

(*) Sortie le 6 avril, 19,50 €.

 L’histoire

"Chère Marine bravo ! " Irène Frachon, la pneumologue qui a donné l’alerte sur le Médiator, préface le livre aux allures de "polar haletant", où "tout est vrai", précise l’auteur. Nathan, son fils, est né le 26 mars 2002, trois ans après l’aînée, Salomé. Si le handicap de la petite est trop léger pour alerter la famille, l’attitude de Nathan, un bébé "tout mou", qui marche à 18 mois et ne parle pas à 3 ans inquiète ses parents.
Les médecins parlent d’autisme. Un article de Midi Libre de 2001, sur les études menées à Montpellier sur les ravages des pesticides in utero, met Marine Martin sur la piste d’un agent extérieur perturbateur de sa grossesse. En 2009, elle a ce "vieil article" alors qu’elle s’acharne à comprendre. "Je remplace pesticides par médicaments (...) Je tape sur internet "Médicaments dangereux grossesse" (...) Le monde s’effondre." Elle est sur la piste de la Dépakine. La colère succède à l’abattement lorsqu’elle découvre que les premières alertes datent des années 80. Depuis, elle dénoue les fils du scandale.

midi libre

 

Source : http://www.midilibre.fr/2017/04/06/sante-le-scandale-de-la-depakine-n-a-pas-eclate-par-hasard,1489367.php