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Pourquoi un scandale sanitaire comme la Dépakine met autant de temps à émerger?

Huffington Post 

SANTE – L’information rappelle amèrement le scandale sanitaire du Mediator. Dans son édition du mercredi 10 août, le Canard Enchaîné affirme que plus de 10.000 femmes enceintes auraient pris de la Dépakine entre 2007 et 2014, alors même que les soupçons planent sur celui-ci depuis des années et que, depuis 2006, la notice à destination des médecins déconseille son utilisation chez les femmes enceintes.

 

L’antiépileptique est commercialisé en France par le laboratoire Sanofi depuis 1967. « Depuis les années 80, on sait que ce médicament peut entraîner des troubles neuro-développementaux » chez les enfants des mères sous traitement pendant leur grossesse, affirme l’Apesac, association d’aide aux victimes de ce médicament.

 

Malgré les très nombreuses études sur la Dépakine (la première montrant des effets sur l’homme a été publiée en 1982 dans The Lancet), et plus précisément sur le valproate de sodium, il faut attendre 2006 pour que la notice à destination des médecins soit modifiée et ce, malgré les alertes. Selon une information du Figaro dévoilée en 2015, le ministère de la Santé aurait été mis au courant en 1989. Pourtant, ce n’est qu’en janvier 2016, dix ans après le changement de notice, que la délivrance du médicament devient interdite sans prescription initiale annuelle par un spécialiste et formulaire signé par le patient.

 

Comment expliquer que plus de 10.000 femmes aient pris ce médicament après 2006, malgré les alertes des associations et des spécialistes de la santé? Pourquoi un tel scandale sanitaire met-il autant de temps à émerger? Plusieurs éléments, semblables à ceux de l’affaire du Mediator, sont à prendre en compte.

 

1. Un laboratoire qui occulte le problème

 

Il y a une « volonté de la part de Sanofi d’étouffer l’affaire », estime l’Apesac. « Le laboratoire avait les moyens de savoir que la grossesse était une contre-indication absolue pour ce médicament dès la fin des années 1980 et le devoir d’en informer les patients », explique à Challenges l’avocat de l’Apesac, Charles Joseph-Oudin.

 

Comme nous l’évoquions plus haut, de nombreuses études publiées dans diverses revues scientifiques sérieuses ont été publiées depuis les années 80. Malformations physiques, troubles du spectre de l’autisme, anomalies neurologiques, sont autant d’effets secondaires graves du valproate de sodium qui sont décrits dans la littérature scientifique.

 

Le laboratoire Sanofi réfutait en ce début d’année ces accusations, affirmant n’avoir eu les preuves de ces effets secondaires qu’au début des années 2000. Le laboratoire affirmait par ailleurs ne pas être tout seul dans cette histoire, et ne pas pouvoir informer les médecins et les patients si les autorités de santé n’en donnent pas la consigne.

 

« En 2008, ce traitement, vendu dans une centaine de pays et produit en France (à Ambarès) et en Italie, rapportait 329 millions d’euros à Sanofi, puis 410 millions en 2012, avant de baisser à 405 millions l’année suivante », notait en février dernier L’Usine Nouvelle.

 

2. Des autorités qui tardent à réagir

 

Au micro d’Europe 1, la présidente de l’Apesac, Marine Martin, accuse directement les autorités de santé de ne pas avoir fait leur travail. « L’Agence de santé a couvert le laboratoire en continuant à donner l’autorisation de mise sur le marché du produit. Donc il y a une complicité des différents gouvernements qui se sont succédé. Donc la responsabilité de l’État et du laboratoire est énorme dans ce scandale sanitaire », insiste-t-elle.

 

L’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, dément avoir tardé à réagir aux différentes alertes. « Le risque de malformation est mentionné dans la première AMM (autorisation de mise sur le marché, ndlr), en 1986, et le risque de retard mental, avéré depuis 2005, a donné lieu à une révision de l’AMM dès l’année suivante », indiquait l’an dernier au Monde Dominique Martin, le directeur de l’agence.

 

Autre problème toutefois: l’étude révélée par le Canard Enchaîné, montrant qu’au moins 10.000 femmes enceintes ont pris le médicament depuis 2006, a été menée conjointement par l’ANSM et la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAMTS). Cette étude aurait été présentée au Ministère de la Santé à la mi-juillet 2015 mais aurait été « soigneusement cachée aux familles« .

 

Ce que le ministère de la Santé s’est empressé de démentir ce 10 août, précisant que « le premier volet » de l’étude sera présenté à l’Apesac le 24 août prochain.

 

3. Des patientes pas ou peu mises au courant

 

Les médecins étaient-ils au courant des effets secondaires graves sur la santé des fœtus? Difficile à dire pour l’avant 2006. Mais à partir du moment où la notice à laquelle ils ont eu accès en 2006 a été éditée, les excuses sont plus difficiles à trouver. Or les 10.000 femmes enceintes ont pris de la Dépakine entre 2007 et 2014.

 

Si la Dépakine a continué à être autant prescrite, c’est peut-être car, contrairement au Mediator, son efficacité sur les patients est prouvée. « L’épilepsie engage le pronostic vital de la mère comme du fœtus. Or dans certains cas, la Dépakine est le seul traitement adéquat. C’est au médecin d’évaluer le rapport bénéfice-risque », soulignait l’an dernier Pascal Michon, directeur médical du groupe Sanofi en France.

 

Jusqu’en 1995, la notice de la Dépakine indique seulement aux patientes de prévenir leur médecin si elles sont enceintes. A partir de 2006, la notice déconseille la prise du médicament en cas de grossesse. Mais comme le souligne l’avocat de l’Apesac, « dire qu’un médicament est déconseillé en cas de grossesse n’a rien à voir avec le fait de prévenir une femme qu’elle a une chance sur deux de mettre au monde un enfant autiste ».

 

« Alors que les risques étaient clairement connus, les médecins ont continué à le prescrire, sans même essayer un autre traitement », taclait ce matin Marine Martin sur France Inter. « On est encore une fois dans un scandale où l’industrie pharmaceutique commercialise un médicament qui est extrêmement donné, rentable pour eux, et l’Etat a laissé faire pendant toutes ces années, de peur de s’opposer à un grand laboratoire français ».

 

L’industrie pharmaceutique n’en est pas à son premier scandale, ni peut-être son dernier. Mediator, mais aussi Diane 35 et les pilules de 3e et 4e génération… Plusieurs fois, le système d’alerte a défailli. Cette fois-ci, selon Marine Martin, 50 à 70.000 personnes pourraient être touchées par cette affaire.

 

Lire aussi :

 

» La Dépakine, le nouveau scandale sanitaire semblable à l’aff

 

Source : huffington Post 

 

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