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Dans la presse en 2016

Dépakine : « C’est étonnant de voir Sanofi charger ainsi les médecins »

La Croix 

Avocat de plusieurs familles de victimes de la Dépakine, médicament anti-épilepsie non dénué de risques, Me Charles Joseph-Oudin ne comprend pas la ligne de défense du laboratoire Sanofi et s’inquiète de la « lenteur » de la justice sur ce dossier

 Jeune avocat parisien, Me Charles Joseph-Oudin s’est fait connaître en défendant des victimes du Médiator. Aujourd’hui, il est en première ligne dans le dossier de la Dépakine, ce médicament destiné à traiter l’épilepsie et les troubles bipolaires, à l’origine de malformations et des troubles du comportement chez certains enfants exposés in-utéro. Mercredi 24 août, le ministère de la santé a rendu publique une étude montrant qu’entre 2007 et 2014, un peu plus de 14 000 femmes enceintes ont reçu de l’acide valproïque (la molécule de la Dépakine et de plusieurs autres médicaments similaires).

 

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La Croix : Hier, le ministère de la santé a annoncé la mise en place prochaine d’un Fonds d’indemnisation pour les familles des victimes de la Dépakine. Que pensez-vous de cette mesure qui était réclamée depuis des semaines par l’association des familles ?

 

Me Charles Joseph-Oudin : Jusque-là, ce fonds d’indemnisation était seulement un projet évoqué par Marisol Touraine. Aujourd’hui, la ministre de la santé s’engage de manière ferme et c’est évidement une bonne nouvelle. Même si beaucoup de points importants restent encore à préciser : quel sera le calendrier d’installation de ce dispositif ? Qui va payer, la collectivité nationale ou le laboratoire ? Et quel sera le montant des indemnisations ?

 

Combien de familles ont aujourd’hui engagé des actions en justice ?

 

Me C. J.-O. : Pour l’instant, nous avons reçu environ 500 dossiers à mon cabinet. Et il en arrive quasiment tous les jours. Certaines familles, en effet, ne découvrent qu’aujourd’hui que les problèmes de santé de leurs enfants sont peut-être liés à la Dépakine. Mais sur chacun de ces dossiers, nous avons un gros travail à faire pour établir les responsabilités et voir s’il est possible d’engager une action en justice. Pour l’instant, nous avons d’abord engagé des procédures civiles.

 

En 2012, nous avons saisi les tribunaux pour deux familles. Et il a fallu quatre ans pour que la justice nomme des experts pour examiner les dossiers. Aujourd’hui, ces deux dossiers sont bouclés et devraient pouvoir déboucher sur une décision de justice dans les prochains mois. Mais il aura fallu plus de quatre ans pour avancer ! Pour le reste, 15 autres dossiers sont été déposés au civil et nous attendons que des experts soient nommés.

 

Avez-vous engagé des actions au niveau pénal ?

 

Me C. J.-O. : Oui, en mai 2015, nous avons déposé quatre plaintes qui ont entraîné l’ouverture d’une enquête préliminaire au niveau du pôle de santé publique du tribunal de grande instance de Paris. Mais depuis, il ne se passe rien. Aucun juge d’instruction n’a été nommé alors qu’on voit aujourd’hui l’ampleur considérable prise cette affaire de santé publique. Et je dois dire que les familles, que je représente, sont très surprises de la lenteur avec laquelle la justice avance sur ce dossier, tant au civil qu’au pénal.

 

Le laboratoire Sanofi, qui commercialise la Dépakine, a fait valoir mercredi 24 août que sur la période de l’étude (2007 à 2014), les documents d’information destinés aux professionnels de santé et aux patients « indiquaient que la prescription du médicament était déconseillée pendant une grossesse », au regard des risques de malformation et de retards neuro-développementaux. « La question plus générale qui se pose est celle de la prise en compte de l’information par les différents acteurs de santé » ajoute la firme. Que pensez-vous de cette ligne de défense ?

 

Me C. J.-O. Je trouve très étonnant que ce laboratoire charge ainsi les médecins prescripteurs. Cela risque de tendre un peu les relations avec eux à l’avenir. Et je me demande comment Sanofi va pouvoir continuer à vanter les mérites de ses produits à ces médecins qu’elle met aujourd’hui en accusation.... Pour le reste, cela ne change pas la position des familles. Pour elle, le premier responsable, c’est le laboratoire qui doit assumer la responsabilité des conséquences liées aux médicaments qu’il met sur le marché. Et nous attendons une autre réponse de ce grand laboratoire français qui doit s’engager dans l’indemnisation des victimes et ne pas tout renvoyer vers la solidarité nationale.

 

Source : La Croix