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Dans la presse en 2016

Des victimes de la Dépakine réunies ce week-end en Normandie

Paris Normandie 

Santé. L’Apesac, qui œuvre à la reconnaissance des victimes du médicament, réunit ces dernières en Normandie ce week-end. L’occasion de faire le point.

  Les organisateurs attendent « plus de 300 personnes » aujourd’hui et demain en Normandie, « dont une soixantaine d’enfants Dépakine ». Ce médicament antiépileptique se trouve au cœur du combat de l’Apesac (Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant), qui organise son rassemblement annuel à La Chapelle-Montligeon, dans l’Orne. Au programme : des interventions de chercheurs, de généticiens, mais aussi d’avocats, chargés de porter les voix des familles face aux laboratoires Sanofi, producteurs du médicament.

« Les personnes concernées doivent sortir de l’isolement, savoir qu’elles ne sont pas toutes seules : les laboratoires craignent beaucoup cela », affirme Me Charles Joseph-Oudin, qui s’attend à être assailli de questions ce week-end dans l’Orne. L’avocat, qui s’est fait un nom en défendant les victimes du Mediator contre le groupe Servier, confirme le chiffre de 800 dossiers aujourd’hui parvenus à son cabinet.

 

« ENCORE TROP LENT »

 

Il n’en attestait qu’une dizaine il y a un an, alors qu’affluaient les premiers témoignages de ces familles confrontées aux troubles comportementaux de leurs enfants, pour certains proches de l’autisme. Paris-Normandie s’était notamment fait l’écho de l’histoire de Nathalie Soyer, une habitante de Montivilliers, qui a décidé depuis de poursuivre seule la lutte judiciaire, en dehors de l’Apesac. De son côté, l’association - agréée par le ministère de la Santé - poursuit sans relâche son lobbying auprès des autorités sanitaires pour que soit davantage reconnue la nocivité tératogène (susceptible de provoquer des malformations chez le fœtus) de la Dépakine.

 

Cet activisme a en partie payé, puisque depuis le 1er janvier dernier, la prescription de l’antiépileptique est soumise à un protocole d’accord, censé informer la femme enceinte des risques encourus. « Mais c’est encore trop lent », estime Marine Martin, présidente de l’Apesac, alors que la création d’un fonds d’indemnisation se fait toujours attendre. Idem pour l’application, sur les emballages du médicament, d’un logo stipulant clairement le danger en cas de grossesse (du même type que ceux dessinés sur les bouteilles d’alcool).

 

« Nous avons travaillé avec le sénateur de Haute-Loire, Olivier Cigolotti, pour qu’un projet de loi soit déposé en octobre prochain, portant sur la signalétique de tous les médicaments à effets tératogènes », précise Marine Martin, elle-même maman d’« enfants Dépakine » et présidente de l’Apesac à 100 %, entre Paris et le Languedoc-Roussillon. « J’ai dû recruter des salariés car toute seule je ne m’en sortais pas, explique-t-elle. Et je risque d’embaucher deux ou trois personnes à la rentrée. Nous avons des appels quotidiens ! »

 

Sur le volet judiciaire, Marine Martin attend également que soit publié le décret d’application de la loi votée le 17 décembre dernier, instaurant la possibilité d’actions de groupe dans le secteur de la santé (celui-ci était pourtant annoncé pour le 1er juillet). Me Charles Joseph-Oudin s’inquiète en effet de « la capacité de la justice française à absorber tous ces dossiers dans des délais et des coûts raisonnables ». Pour autant, l’avocat se montre perplexe quant à l’efficacité potentielle d’une action de groupe, face à « un laboratoire qui est dans le déni absolu de responsabilité ».

 

« TROIS MILLE ENFANTS SUR DIX ANS »

 

Peut-être les familles obtiendront-elles des réponses ou des annonces ce week-end ? Preuve de l’intérêt manifesté par le gouvernement pour le dossier de la Dépakine : Bruno Vallet, directeur général de la Santé au ministère des affaires sociales et de la Santé, devrait être présent aux journées de l’Apesac. « Ce qui est certain, rappelle Me Charles Joseph-Oudin, c’est que le nombre d’enfants impactés est de l’ordre de 3 000 sur les dix dernières années. »

 

THOMAS DUBOIS

 

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« Nocif mais prescrit »

 

Au cœur de ce que beaucoup assimilent à un nouveau scandale sanitaire : le valproate de sodium.

 

Cet antiépileptique, qui compose essentiellement la Dépakine, fait aujourd’hui l’objet d’une mise en garde officielle quant aux risques de malformations du fœtus, en cas d’absorption durant une grossesse. En décembre dernier, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a demandé aux praticiens de ne plus en délivrer « aux femmes en âge de procréer et aux femmes enceintes ». Si la prescription de Dépakine s’avère indispensable (le médicament est considéré au demeurant comme un antiépileptique très efficace), les patientes sont invitées à signer une décharge stipulant qu’elles ont bien connaissance des risques potentiels. Mais, et c’est tout l’objet des multiples procédures judiciaires entamées par les familles, les effets tératogènes du valproate sont évoqués dans la littérature médicale depuis les années 80, ce qui n’a pas empêché sa prescription durant les deux décennies suivantes, sans le moindre avertissement.

 

Pour l’Apesac et Me Charles Joseph-Oudin, les laboratoires Sanfoi, qui produisent et commercialisent la Dépakine depuis 1967, demeurent les premiers responsables de ce défaut d’information.

 

Fidèle à sa sa stratégie, Sanofi répond par un long communiqué, pour conclure une fois de plus que le laboratoire a « toujours respecté toutes ses obligations et notamment ses obligations d’information ». « En l’absence de responsabilité des différents acteurs de santé concernés par ces dossiers », selon lui, le groupe français renvoie l’obligation d’indemnisation des victimes à l’État, via l’Oniam (Office national d’indemnisation des accidents médicaux).

Source Paris Normandie