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Marine Martin, en guerre contre la Dépakine

Marianne

La Dépakine peut provoquer de graves malformations sur les enfants exposés dans le ventre de leur mère. Les risques étaient connus. Les autorités de santé et le laboratoire ont trop tardé à informer les patientes, comme l’a souligné le rapport de l’Igas remis le 23 février dernier. Résultat : des vies brisées. Retour sur le combat de celle qui a lancé l’alerte, raconté longuement dans l’ouvrage de notre consœur Clotilde Cadu, « Effets indésirables »

Le comprimé a toujours été difficile à avaler. La première fois qu’il est resté en travers de la gorge de Marine, c’était dans la salle de bains, chez ses parents. Elle avait 10 ans. La deuxième fois, c’était devant son ordinateur. Elle avait 37 ans et venait de découvrir que le médicament qui l’accompagne depuis toujours avait rendu ses deux enfants malades. «Il y avait un soleil magnifique, ce jour-là», décrit-elle, en se remémorant cet après-midi «très tranquille» de 2009 où tout s’est assombri d’un coup. Installée à son bureau, elle avait tapé trois mots sur Google : «médicament + dangereux + grossesse». La combinaison avait débouché sur un nom plus que familier : valproate de sodium. La substance active de la Dépakine, l’antiépileptique qui s’invite à sa table au petit déjeuner et au dîner chaque jour depuis presque trente ans.

« Ils m’ont tous dit qu’il n’y avait pas de problèmes »Marine n’en a jamais raté une prise, même les neuf mois pendant lesquels elle attendait sa fille, Salomé, les neuf autres pendant lesquels elle attendait son fils, Nathan. «En cas de grossesse, prévenez votre médecin», recommandait la notice. Marine a fait mieux que ça : elle a averti son neurologue, son gynécologue, son généraliste. «Ils m’ont tous dit qu’il n’y avait pas de problèmes», assure-t-elle. En réalité, il y en a un. La Dépakine provoque des malformations et des troubles neurologiques graves sur les bébés qui y sont exposés dans le ventre de leur mère. […]

Encore une rentrée des classes. Nathan est passé en quatrième. Personne n’y croyait. L’année de cinquième a été un peu difficile, mais il s’est accroché. «Il a réussi, il est passé en sixième, puis en cinquième. Il nous surprend tout le temps !» Le préado est scolarisé dans le collège que Florent, le père, dirige. «Autrement, il n’irait pas à l’école», reconnaît-il. Nathan est né avec une légère malformation de l’urètre. Sa colonne vertébrale est imparfaite, il souffre d’un Spina bifida occulta, une petite faille au niveau des vertèbres. Salomé a le même problème. Mais c’est surtout le comportement de Nathan qui préoccupe la maman. Pendant des années, elle a couru les cabinets médicaux. «Je posais toujours la même question : d’où cela vient ?» se souvient-elle. Personne n’était capable de lui répondre, personne ne savait vraiment. […]

Des « enfants Dépakine »

Quand le couple a acquis la certitude que leur fils et, dans une moindre mesure, leur fille étaient des «enfants Dépakine», ils ont saisi la justice. Une procédure civile a été lancée en 2012, une expertise de Nathan et Salomé a été ordonnée. Le prérapport des experts judiciaires a retenu un lien de causalité entre la prise de la Dépakine et leurs troubles. Entre-temps, en 2015, les parents ont déposé une plainte, au pénal cette fois-ci. Elle vise Sanofi, le fabricant de la Dépakine, les médecins qui ont prescrit la Dépakine à Marine et les autorités de santé.

Qui savait ? Qui n’a rien dit ? Les malformations, les troubles neurologiques que peut créer la Dépakine ont été découverts dès 1986. Tout le monde semblait donc bien au courant – sauf les patientes. Sans l’action de Marine et des membres de son Association des parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac), sans la mobilisation des mamans anglaises et belges, le médicament serait sans doute encore prescrit à des épileptiques enceintes.

Ce que Marine a accompli en quelques années seulement est immense. Elle a réussi à fédérer des parents au sein de son association, informé des centaines de familles, obtenu la mise en place des restrictions de prescription et d’un formulaire de consentement, la notice de la Dépakine a été révisée… Elle a remporté de belles victoires, mais elle veut que les responsabilités des uns et des autres soient établies. Tout le monde doit savoir.

Marine rêvait d’un portrait dans le Monde. Ce sera finalement dans le Figaro. Le 20 mai 2015, le quotidien lance ce qui va très vite devenir le nouveau scandale sanitaire qui aurait pu être évité. «Un antiépileptique dans la tourmente», titre le journal. «Une famille attaque Sanofi pour non-signalement d’effets indésirables graves pour les femmes enceintes.» Le scoop ne tarde pas à se propager. Une semaine plus tard, le petit déjeuner de presse organisé par l’Agence nationale de sécurité du médicament est particulièrement couru : trois points sont à l’ordre du jour. Le premier concerne la Dépakine. Marine et son avocat sont présents. Une visite surprise. Quand ils se lèvent, la moitié de la salle leur emboîte précipitamment le pas. La machine médiatique est lancée. En juillet 2015, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, demande à l’Inspection générale des affaires sociales d’enquêter sur la Dépakine. Et la justice aura désormais la lourde tâche de déterminer quels sont les torts des uns et des autres.

Le combat que Marine mène depuis toutes ces années n’est pas près de s’arrêter. Elle veut continuer. Salomé aussi. Du haut de ses 16 ans, elle a bien l’intention de reprendre le flambeau. «Pour l’instant, c’est vrai que je suis un peu détachée de tout ça, confie l’adolescente. Mais, si mes enfants ont des problèmes aussi, Sanofi peut être sûr que je reviendrai !»

Source: Marianne

 

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