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Dépakine : enfin une bonne nouvelle pour les victimes

Libération

Les députés ont ouvert la voie mardi à une indemnisation des victimes de ce médicament prescrit à tort aux femmes en âge de procréer. Mais tout n’est pas réglé.

A l’unanimité, les députés ont donné leur feu vert mardi soir à la création du fonds d’indemnisation promis par l’Etat pour les victimes de l’antiépileptique Dépakine, qui permettra de faire porter les indemnisations notamment sur le laboratoire Sanofi. La Dépakine est à l’origine de malformations du fœtus lorsque le médicament est pris pendant la grossesse.Que prévoit le dispositif ?L’amendement gouvernemental adopté par les députés devrait être voté définitivement à la fin de l’année, après son passage au Sénat, pour que les familles puissent déposer leur dossier devant l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam). Le principe est clair : «Toute personne s’estimant victime d’un préjudice à raison d’une ou plusieurs malformations ou de troubles du développement imputables à la prescription du valproate de sodium avant le 31 décembre 2015 peut saisir l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux»,indique l’amendement. Un comité d’experts sera chargé de statuer sur «l’imputabilité» des dommages et, le cas échéant, transmettra le dossier au comité d’indemnisation. Celui-ci sera alors chargé, notamment, de se prononcer «sur la responsabilité des professionnels ou établissements de santé, de l’exploitant ou de l’Etat au titre de ses pouvoirs de sécurité sanitaire, dans un délai de trois mois». Les personnes ou entités dont la responsabilité est reconnue auront alors un mois pour faire une offre d’indemnisation.«L’indemnisation doit être versée en premier lieu par le laboratoire qui reste le principal responsable, note Marine Martin, présidente de l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac). Mais je reste réservée sur la possibilité d’une indemnisation par l’Etat en cas de refus de Sanofi-Aventis France. Je pense néanmoins aux familles qui ont besoin rapidement de cette indemnisation pour faire face au coût de la prise en charge de nos enfants.» Pour 2017, l’Etat, de son côté, prévoit 10 millions d’euros.A LIRE AUSSI «La Dépakine a rendu mes enfants malades, personne ne m’avait rien dit» et Valproate, danger in utero Sa création est-elle une surprise ?Non. Dès le rapport de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales), rendu public en février et qui pointait les effets secondaires gravissimes du valproate de sodium lorsqu’il était prescrit chez une femme enceinte,mais aussi stigmatisait les retards dans les décisions des autorités sanitaires pour informer au mieux les patientes, la ministre de la Santé avait vite réagi, annonçant que les pouvoirs publics prendraient leurs responsabilités. Et allaient réfléchir sur la façon d’indemniser les patientes dont les enfants ont été atteints. Des enfants qui pouvaient avoir des atteintes physiques (autour de 10%), mais aussi, découvre-t-on dans les années 90, subir des conséquences neurologiques et cognitives pour la moitié d’entre eux. Un taux impressionnant, car près de 50 000 femmes en âge de procréer en ont pris, aussi bien comme anti-épiletique que comme régulateur de l’humeur… On évoque, aujourd’hui, déjà 2 531 victimes, dont 451 décès.Pendant toute l’année 2016, l’Apesac et sa présidente Marine Martin, à l’origine de la révélation de l’affaire, ont dû batailler pour que ce fonds existe, et que la responsabilité éventuelle de Sanofi, le fabricant, puisse être engagée. L’objectif est aujourd’hui atteint.Le sujet est-il désormais réglé ?Non. D’abord parce que beaucoup de femmes en âge de procréer continuent d’en prendre. Ensuite, comme observé dans le dossier du Mediator, sans la patience des victimes et l’acharnement de la pneumologue Irène Frachon, l’indemnisation pouvait être très limitée, et un grand nombre de dossiers écarté. «C’est un parcours du combattant pour la victime, elle est toujours accusée, on la soupçonne toujours de vouloir de l’argent, et de vouloir en profiter», analysait Irène Frachon. Rien ne dit que cette dérive ne se reproduira pas avec la Dépakine, d’autant qu’à la différence du Médiator, le valproate de sodium était un très bon traitement, aussi bien pour la prise en charge de l’épilepsie que pour les troubles de l’humeur, et parfois le seul. Les atteintes cognitives, par ailleurs, risquent d’être l’objet d’infinies polémiques entre expertises et contre expertises.Très logiquement, l’Apesac s’inquiète donc des conditions dans lesquelles les dossiers seront examinés par le fonds d’indemnisation. D’autant que ces instances s’appuieront sur les critères définis par un protocole national de diagnostic et de soin (PNDS) qui n’a pas encore été finalisé. «Il reste un travail encore très important à fournir auprès des professionnels de santé pour permettre à toutes les victimes d’être reconnues et indemnisées, quelle que soit la date de naissance des enfants ou leurs pathologies», souligne l’Apesac. Enfin, si aujourd’hui les femmes qui ont pris du valproate pour éviter des crises d’épilepsie sont bien représentées et défendues, il n’en est pas de même pour celles qui ont pris le valproate pour des troubles de l’humeur. Et qui risquent, elles, de tomber dans un trou noir.

Eric Favereau

Source : Libération

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