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Dans la presse en 2015

Dépakine: la justice nomme un expert mis en examen

Le Figaro

Le TGI de Paris vient de désigner Bernard Rouveix, mis en cause en 2013 dans l'affaire Mediator pour prise illégale d'intérêt. Il sera en charge de l'expertise de deux enfants nés handicapés après que leur mère a pris de la Dépakine pendant ses grossesses.

Les juges ne regardent pas sur Google qui sont les experts judiciaires avant de les nommer. Selon nos informations, le 12 mai dernier, le tribunal de grande instance de Paris a désigné dans le cadre d'une expertise civile concernant la Dépakine (antiépileptique), Bernard Rouveix. Or ce dernier a été mis en examen le 17 juillet 2013 dans l'affaire du Mediator pour prise illégale d'intérêts. Au cours de l'instruction dans cette affaire, il est aussi apparu qu'il avait réalisé des études pour Sanofi, le laboratoire qui commercialise la Dépakine.

C'est notamment à lui que reviendra la charge d'expertiser deux enfants handicapés après que leur mère a pris de la Dépakine pendant ses grossesses. Le principe actif, le valproate de sodium, est accusé d'avoir des effets secondaires sur le fœtus.

«J'ai formé 40.000 médecins au bon usage du médicament»

Bernard Rouveix, 69 ans, est une sommité: professeur de pharmacologie, ancien directeur à Bichat et professeur à Cochin. «J'ai formé 40.000 médecins au bon usage du médicament», dit-il crânement aux juges d'instruction en 2013. Parallèlement, il a exercé à l'Agence du médicament (ex-Afssaps), comme membre de la commission de la publicité puis comme suppléant à la commission d'autorisation de mise sur le marché (Camm) jusqu'en 2010. Il a siégé à la Haute Autorité de Santé comme rapporteur à la commission de la transparence. Il est toujours expert auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam).

En 2000, il rencontre Marlène May Garnier, une ancienne salariée de Servier qui a créé Cris, une entreprise de conseil pour l'industrie pharmaceutique. Entre 2004 et 2008, il facture plus de 66.000 euros dont 27.548 euros pour des prestations sur le Mediator et le Locabiotal de Servier. Mais ce n'est pas tout. En 2007, Cris lui demande, «vu que j'avais assisté aux débats à l'Afssaps sur le sujet» (sic), son avis sur le Mediator. Il fait ce travail «avec d'autant plus d'intérêt que j'ai été témoin pendant dix ans de tous les discours de ce qu'il se passait à la commission d'autorisation de mise sur le marché».

«Il ne m'est pas venu à l'esprit de le déclarer»

Par ailleurs, les enquêteurs saisissent à son domicile un fax du 14 juin 2007 venant de la société ORS (groupe Servier): «Suite à nos échanges du 12 courant, nous vous confirmons que nous souhaiterions: disposer des ordres du jour, comptes-rendus et documents d'accompagnement relatifs aux groupes de travail et à la commission plénière, (…), prises de position, un retour d'information sur les décisions (…) nous concernant.» Les juges lui demandent: «Avez-vous signalé à l'Afssaps vos prestations de conseil au profit de la société Cris et du groupe Servier?» Réponse sans rire de l'intéressé: «Non. Je n'ai jamais eu de contact avec le groupe Servier. J'avais des contacts depuis longtemps avec Cris. À l'Afssaps, on ne doit déclarer que les conflits d'intérêt avec les industries propriétaires de produits. Pour moi, Cris est une CRO, c'est-à-dire une société de services non propriétaire de médicament. Il ne m'est pas venu à l'esprit de le déclarer.»

Selon les enquêteurs, ses relations avec l'industrie pharmaceutique l'ont aussi aidé à financer Kinkeliba, une association humanitaire qui intervient en Afrique et dont il a participé à la création. Servier a versé 30.000 euros sur quatre ans à Kinkeliba. Aux policiers qui lui font remarquer que cette aide est arrivée après sa note sur le Mediator, Bernard Rouveix répond: «Cela n'a rien à voir.»

Anne Jouan

Source : http://sante.lefigaro.fr/actualite/2015/05/24/23765-depakine-justice-nomme-expert-mis-examen