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Témoignage : "Choquée, mon fils de 42 ans autiste lourd, victime de la Dépakine, ne sera pas indemnisé à l’ ONIAM"

De quoi souffre Cédric ?

Notre fils Cédric a 42 ans, quand il est né en 1978 on a tout de suite su que quelque chose n’allait pas. Son visage était différent, il a un syndrome dysmorphique très particulier portant sur la face et sur les extrémités.

Il souffrait d’une hernie inguinale et un dysfonctionnement urinaire.

A 8 mois un déficit psychomoteur est détecté, un suivi pour sa motricité et des exercices au quotidien sont mis en place.

Cédric doit porter un plâtre de station debout le jour et des attelles de genoux pour la nuit.

A l’âge de 16 mois, après une consultation chez un ophtalmologue pour un strabisme, on a découvert qu’il souffrait d’une cryptorchidie bilatérale, une cataracte et un décollement de la rétine de l’œil gauche.

On a su qu’il n’irait jamais à l’école comme les autres, son développement moteur était retardé par ses malformations, son retard mental était de plus en plus important, il a été beaucoup hospitalisé et a subi plusieurs opérations, notamment pour ses problèmes oculaires.

Cédric souffre d’une déficience intellectuelle profonde avec autisme, une absence de langage totale. 

 

Et aujourd’hui, où en est il ?

Cédric ne parle pas, il ne s’exprime qu’avec des cris. Il a de gros accès de colère et d’anxiété liés aux difficultés à se faire comprendre.

Il ne peut ni se laver, ni s’habiller, ni manger seul. Il est complètement dépendant. Cette absence d’autonomie nécessite un accueil permanent dans une Maison d’Accueil Spécialisée (MAS) et un suivi médicamenteux lourd, Il est assommé de médicaments pour contenir ses crises.

 

Pourquoi et comment avez-vous demandé réparation ?

En 2011 nous avons contacté Marine Martin, suite à une première vague de médiatisation du scandale de la Dépakine. C’était le tout début, on ne savait pas trop quoi faire. Puis en 2016 on a contacté l’APESAC, et nous avons décidé de porter son dossier à l’ONIAM avec l’aide du Cabinet Dante.

Combien de temps à pris votre procédure ?

On a mis plusieurs mois a rassembler les documents, on a eu de la chance de retrouver certains éléments, 42 ans après, il n’y a pas beaucoup de famille qui ont dû garder des dossiers médicaux aussi anciens… Depuis 4 ans on attend une réponse favorable.

On a fait partie des premières familles à avoir déposé un dossier à l’Oniam, alors quand une des victimes s’est vu attribuer plus de 2 millions d’euros, on s’est mis à espérer, on s’attendait à ce que Cédric soit aussi bien indemnisé.

 

Quels ont été les conclusions de l’ ONIAM ?

 Notre dossier a été rejeté !

Ce n’est pas juste, les conclusions du rapport des experts de septembre 2018 étaient claires, les dommages subis par Cédric sont imputables à son exposition in utero au valproate de sodium.

Il faut rappeler que l’ancien dispositif fonctionnait ainsi :

  1. le collège d’experts émet un rapport d’imputabilité, c'est à dire qu'il établit si le Valproate (Dépakine) est bien la cause des symptômes de la victime.

  2. le collège transmet la demande au comité d’indemnisation donc des juristes qui disent qui savait quoi, et quand !

  3. Ce n’est qu’après ces deux étapes validées que les victimes se voyaient octroyer un montant d’indemnisation. 

Dans le cas de Cédric on a dit oui c’est la Dépakine, mais le laboratoire et les institutions ne savaient pas en 1978, date de sa naissance.

 

Pourquoi votre dossier a t-il été rejeté ?

Il est écrit dans le courrier qu’aucun responsable ne peut être identifié. Même si Cédric est lourdement handicapé à cause de la Dépakine, ils ne veulent pas l’indemniser, tout ça à cause de sa date de naissance.

Les malformations congénitales sont imputables au valproate si le médicament a été prescrit à partir de 1982 et pour les troubles neuro-développementaux à compter du 1er janvier 1984.

Cédric étant né en 1978, d’après la loi, on considère que le laboratoire n’était pas au courant des risques, et donc qu’il ne peut pas être tenu pour responsable ! On est dans une impasse.

Propos recueillis par Emilie DECHATRES